vendredi 7 juillet 2017

La reconnaissance de la Fraternité St-Pie X (F.S.S.P.X) et le volontarisme

Là où il y a des hommes il y a de l’hommerie ! Et le monde ecclésiastique n’échappe pas à cette loi. L’histoire de l’Eglise le prouve abondamment à chacune de ses pages.

Certains s’en scandalisent, surtout à notre époque où l’on a perdu la juste vision de l’homme dans sa partie la plus noble, l’âme, dont l’existence elle-même est niée par beaucoup, au nom d’un matérialisme philosophique pur et dur. On ne croit ainsi plus au péché originel dont, jusqu’à preuve du contraire, les clercs ne sont pas plus préservés que les autres. On a donc jeté aux oubliettes tout ce que la théologie et le catéchisme enseignaient jadis sur cette question capitale. Notamment quant à ses séquelles que l’on garde plus ou moins à vie, malgré la purification et la grâce baptismales, et qui font que même les plus grands saints ne peuvent s’empêcher de façon absolument parfaite de tomber dans quelques péchés, certes très légers mais péchés quand même.

Il y eut ainsi entre eux des controverses, voire des querelles qui demeurent comme des morceaux d’anthologie dans l’histoire de la pauvre humanité : entre St Pierre et St Paul, entre St Jérôme et St Augustin, entre St Thomas d’Aquin et St Bonaventure etc.. Alors comment n’y en aurait il pas, avec son lot de déchaînement des passions, entre ceux qui sont moins ou bien moins saints et qui constituent l’écrasante majorité des hommes quels qu’ils soient?

En ces aléas de l’existence présente, impossibles à éviter tout à fait, le monde ecclésiastique a le secret des noms d’oiseaux dans un mode ou une apparence tellement châtiés qu’ils ne sont compréhensibles que par les initiés. Que les non initiés sachent que se jeter à la figure, par exemple, « intellectualiste » ou, à l’opposé, « volontariste » font partie des plus grandes injures !... Ainsi se sont opposées pendant un bon nombre de siècles de grandes écoles de pensée philosophique et théologique comprenant chacune une cohorte de saints et de docteurs de l’Eglise, notamment celles représentées par deux des plus grandes familles religieuses de l’Eglise : les dominicains, d’un côté, et les jésuites, de l’autre.

Il suffit de connaître un peu les différences de personnalité de chacun des fondateurs de ces deux ordres, nécessairement marqués en profondeur par elles dans leurs règles, constitutions ou styles de vie religieuse, pour voir l’origine de telles invectives. Dieu donne, en effet, à chacune de ses créatures une individualité, un caractère unique et nécessairement limité de telle sorte qu’ensemble elles se complètent et constituent un tout harmonieux, image la plus complète possible de la perfection infinie de Dieu. St Dominique était plutôt un contemplatif donc ainsi fut son ordre, notamment dans sa plus belle figure qu’est St Thomas d’Aquin. St Ignace, ancien capitaine, était à l’évidence plutôt un homme d’action donc ainsi fut sa fameuse Compagnie de Jésus dans laquelle les œuvres apostoliques ou missionnaires furent nettement plus développées que chez les fils de St Dominique. Mais il ne faut pas tomber dans les schémas réducteurs et simplistes car St Dominique et beaucoup de ses fils furent aussi de grands apôtres et missionnaires (auprès des Cathares pour le premier). A l’inverse, les fameux Exercices spirituels de St Ignace montrent que lui et nombre de ses fils furent de grands contemplatifs et hommes d’oraison ainsi que de grands théologiens. Il n’empêche que pris dans leur globalité chez les premiers l’accent est mis sur la contemplation pure, alors que chez les seconds l’accent est mis sur l’activité apostolique.

D’où une différence d’accentuation aussi dans la vie intellectuelle et spéculative, en réalité comparable dans son importance chez ces deux familles spirituelles. Dans la 1ère, l’accent est mis sur l’étude spéculative à son plus haut niveau, cad portant sur Dieu en lui-même et dans son œuvre qu’est la création, que ce soit au niveau de la seule raison (théodicée et métaphysique), que ce soit au niveau de la foi (théologie dogmatique). Dans la seconde, l’accent est mis sur l’étude de l’homme dans ses actes en vue de sa fin dernière (psychologie, éthique, théologie morale et ascétique). Ce qui constitue une merveilleuse complémentarité et une grande richesse pour l’ensemble de l’Eglise.

Mais deux défauts ou tendances ont pu en naître chez certains de leurs représentants. D’un côté, celle à oublier que la fin ultime n’est pas dans la contemplation elle-même ou dans la seule activité intellectuelle mais dans l’union de charité à Dieu qui se réalise le plus dans la vie apostolique et réside dans la volonté (comme en Dieu : « Dieu est Amour » ; et comme chez les saints : l’héroïcité des vertus). De l’autre côté, celle à oublier que pour que cette union soit la plus parfaite possible la volonté doit nécessairement être suffisamment éclairée et guidée par les plus hautes étude ou contemplation possibles de Dieu dès ici bas (l’intellect n’est pas supérieur mais antérieur, par nature, à la volonté).

Mais, de nos jours, cette opposition n’existe malheureusement plus entre ces deux ordres également atteints par les ravages des nouvelles philosophie et théologie dans la pensée ; et ceux de l’œcuménisme dans l’esprit apostolique ou missionnaire. Elle existe, par contre, entre, d’un côté, la pensée moderne et le modernisme ; et, de l’autre, la pensée de l’Eglise éternelle qui se récapitule en celle de St Thomas d’Aquin. La première reproche à la seconde son intellectualisme au nom de son agnosticisme, son erreur fondamentale qui interdit tout discours raisonné sur Dieu dont elle refuse même d’affirmer la simple existence et a fortiori sa Révélation. Et la seconde reproche inversement à la première son volontarisme, à l’image des « impératifs catégoriques » de Kant ou de la soi disant éthique moderne et évolutive, car non ancrée dans la reconnaissance et connaissance des lois divines et immuables, naturelle et surnaturelle, mais dans les seuls a priori ou diktats de la volonté humaine, individuelle et collective.

Cette opposition existerait, par contre, chez les tenants de la fidélité intégrale à St Thomas et à la Tradition de l’Eglise. « Volontariste » est, en effet, l’injure suprême, dans la bouche de ceux qui se considèrent donc « intellectualistes » (sinon se complaisent dans leur intellect), à l’adresse de certains de leurs semblables. Tel est le cas dans la querelle interne à F.S.S.P.X avec la perspective de sa reconnaissance entière par la volonté presque exclusive de Rome et qui doit se traduire par l’octroi d’un statut très spécial et presque unique dans l’Eglise : celui de prélature personnelle, certes préféré par la Fraternité, car doit la protéger le mieux possible de l’ingérence des évêques diocésains, toujours modernistes pour la plupart, étant entendu qu’il est impossible de ne pas avoir certaines relations de dépendance par rapport aux autorités légitimes de l’Eglise, principalement romaines mais même épiscopales. Ce serait donc volontarisme ou seulement « impératif catégorique » que d’accepter cela seulement parce que cela vient de la Rome encore conciliaire et car « il ne faut jamais sous estimer son adversaire ». Comme si le successeur de Pierre ne devait être vu que comme n’importe quel adversaire et non d’abord comme la pierre sur laquelle s’édifie nécessairement toute œuvre d’Eglise ou hors de laquelle on ne construit que sur le sable ! Comme si ce n’était pas un impératif de foi et de salut éternel que de ne pas refuser tout lien de dépendance concrète par rapport au fondement divin de l’Eglise qu’est le successeur actuel de Pierre, quelle que soit sa valeur personnelle ! N’est ce pas de façon bien plus patente volontarisme que d’agir ou de réagir non par prudence mais par crainte en ne se fondant que sur des conjectures, sans lumières ou preuves suffisantes, ou que sur des procès d’intention soit par rapport à Rome, soit par rapport à Mgr Lefebvre qu’on tente de récupérer en prétendant que, comme en 1988, il n’aurait jamais accepté cette nouvelle proposition, comme si la situation présente était identique à celle de son temps ! A moins qu’ils aient la science infuse ou le don de prophétie ? Ce qu’à Dieu plaise ! Mais, en attendant que cela soit dûment prouvé, gardons raison !

B.Y.

mercredi 26 avril 2017

Les mariages et le mariage de la Fraternité Saint-Pie X (F.S.S.P.X)

Malgré l’infime portion de l’univers médiatique qui a parlé de cela, surtout au beau milieu de la campagne présidentielle, il n’a sans doute pas échappé à bon nombre de « tradis » branchés, de tous bords, que le Vatican vient de commettre un nouvel acte en direction de la F.S.S.P.X [1] en incitant les évêques à accorder à ses prêtres, en général, la délégation ordinaire de l’Eglise pour célébrer les mariages, de futurs préparés par leurs soins, dans les églises diocésaines, après leur avoir concédé, depuis 2015, le pouvoir ordinaire d’entendre la confession de tout fidèle s’adressant à eux, notamment dans leurs chapelles.

On remarquera que, dans l’un et l’autre cas, c’est implicitement reconnaître la bonne doctrine de ces prêtres, ce qui est plutôt rassurant après le trouble grave provoqué notamment par le synode sur les divorcés remariés ; que vouloir retirer toute crainte sur la validité aux fidèles, attachés à la doctrine traditionnelle mais non spécialistes en droit canonique, est conforme à l’esprit de charité dont doit spécialement briller l’Eglise ; le tout prouvant que le Saint Esprit continue encore et malgré tout à l’assister dans son état pourtant dramatique. 

On remarquera également que la première concession n’est pas faite via les évêques alors que seconde l’est, sans doute en raison de la bien plus grande importance de la confession pour le salut; et qu’il n’est pas parlé des mariages célébrés par ces mêmes prêtres dans leurs propres chapelles, que ce soit dans le passé comme dans le présent et le futur, sans doute tant que la F.S.S.P.X n’a pas de statut propre et pleinement reconnu par Rome. 

Pour cette raison il apparaît clair que ces actes romains, surtout le plus récent, sont unilatéraux et non le fruit d’un accord, sur ces points précis, car la F.S.S.P.X aurait certainement préféré ne pas exposer ses prêtres et, plus encore, ses fidèles au dilemme du mariage soit, désormais, en vertu de cette dernière mesure, comme si tout était redevenu normal dans l’Eglise ; soit, encore, en vertu de la délégation extraordinaire concédée par son droit [2] dans les situations exceptionnelles ou l’état de nécessité puisque, à ses yeux, il est toujours réalité au niveau de la foi et de la morale (surtout sur le mariage) à défendre, comme le commentaire « autorisé » de la F.S.S.P.X sur ce document [3] le répète à l’envi. 

Faut-il pour autant mépriser, une nouvelle fois, une telle mesure objectivement bienveillante envers la F.S.S.P.X, même si fâcheusement incomplète, comme en ont pris l’habitude, dans ses rangs, une frange non d’intransigeants [4] mais de « purs et durs », quelque peu paranoïaques, qui ne veulent y voir que des tentatives de réduire sa résistance, en y semant la zizanie [5], et ont ainsi vite fait d’accuser de trahison leurs confrères, voire supérieurs, qui ne partagent pas leur dogmatisme pratique et primaire ? Force est, en effet, de constater que telle n’est pas la position officielle de la F.S.S.P.X, qui fait aussi et seulement preuve de bienveillance envers Rome, en la remerciant courtoisement de cette concession ; mais sans se battre la coulpe le moins du monde de s’en être passée jusqu’à présent et en disant vouloir prendre le temps d’étudier les conditions de sa mise en œuvre pour le plus grand bien de ses fidèles.

Au travers de cette prévisible et nouvelle contestation interne, se manifeste une autre difficulté que la régularisation des mariages de la F.S.S.P.X, celle de la normalisation de son propre mariage avec Rome ! Pour mémoire, ce qu’on pourrait appeler ses fiançailles avec celle-ci eurent lieu par son approbation officielle et, entre autres, romaine lors de ses fondation et période probatoire dans les premières années 1970 qui auraient dû aboutir à sa reconnaissance définitive en 1975. Mais, dès 1974, il y eut rupture unilatérale, du côté du Vatican [6] pour aboutir aux fameux événements de 1988. Les relations ont repris de façon positive depuis l’an 2000 mais tardent à aboutir.

Les raisons en sont sans doute bien humaines autant que doctrinales. Il y a, du côté d’encore beaucoup d’évêques et de cardinaux, de la résistance qui est, parfois, une sorte de tyrannie ou de sectarisme venant de ce qu’ils ont objectivement trahi la première raison d’être de la hiérarchie qu’est le salut des âmes par la défense avant tout de la saine doctrine. De l’autre, au sein de la F.S.S.P.X elle-même, il y a le mauvais pli pris, en bonne partie par la force des choses, d’agir en s’affranchissant de presque toute dépendance pratique et normale envers la hiérarchie. Or nul n’aime naturellement changer ses habitudes ! Il est donc humain de trouver de « bonnes » raisons de repousser indéfiniment le moment où l’on ne pourra plus savourer la satisfaction, d’un côté, de dominer par abus de pouvoir [7] et, de l’autre, de n’en faire qu’à sa guise : le tout « pour la gloire de Dieu et le salut des âmes », bien sûr… ! 

Voila pourquoi l’argument du retour de Rome à l’orthodoxie pour avoir avec elle des relations saines et bonnes n’est au fond qu’un prétexte. D’autant plus que l’histoire de l’Eglise prouve abondamment que ces basses « hommeries » ont existé à chacune de ses pages donc ne cesseront pas avec la disparition de l’état de nécessité ; qu’elles font partie des croix ordinaires de la vie en société, quelle qu’elle soit, qu’il est indigne d’un chrétien ou lâcheté de sa part de vouloir fuir à tout prix [8].

Répondre aux avances romaines, ce n’est donc, d’un côté comme de l’autre dans les circonstances présentes, avoir en vue qu’un mariage de raison et non d’amour, comme l’étaient aussi, le plus souvent, les unions matrimoniales des siècles passés... Bien que cela puisse - et doive - être aussi un bel acte de charité surnaturelle avant tout envers les âmes à sauver, voire envers les responsables actuels de l’Eglise qui, derrière une assurance de façade en persévérant dans leurs égarements, peuvent cacher une détresse profonde face à l’évidence de son état catastrophique. Cela devrait aider, dans la F.S.S.P.X, à beaucoup relativiser les différends internes, d’autant plus qu’il ressemble fort, dans le cas présent, à une résurgence de l’opposition perpétuelle entre idéalisme et réalisme donc entre un faux et un vrai thomisme [9]!
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[1] du 5 avril 2017 

[2] mais contestée, même si bien plus par nombre d’évêques, qui considèrent donc invalides de tels mariages, que par Rome elle-même 

[3] du 8 avril 2017 

[4] la juste et intrépide intransigeance, mais sans raideur ni amertume, sur les plus hauts principes de l’Eglise, l’intégralité de la foi et de la morale, a toujours été la caractéristique de la F.S.S.P.X et l’est encore. 

[5] qu’en réalité ils sèment eux-mêmes ! 

[6] mais de la part de la Rome « conciliaire » et non de la Rome « de toujours », comme disait feu Mgr Lefebvre 

[7] il n’est pas rare de constater dans l’exercice du pouvoir, notamment ecclésiastique, un autoritarisme ou une sorte de jalousie féminine qui souffre difficilement son partage, en écrasant toute concurrence supposée ou en voyant vite de la désobéissance dans les initiatives. La manière virile se manifeste, au contraire, par la capacité à déléguer (en exploitant les talents à bon escient et en laissant donc une certaine autonomie ou une part d’initiative) à l’instar de la hiérarchie d’institution divine (non sans analogie avec la militaire) par laquelle le Christ lui-même a voulu partager son propre pouvoir souverain et universel avec son vicaire, le pape ; a voulu que celui-ci le partage en chaque lieu de l’Eglise sur cette terre avec les évêques investis par lui ; puis que ceux-ci fassent de même avec leurs curés etc.. Etant entendu que celui qui a reçu délégation n’agit légitimement que tant qu’il n’en dépasse pas les limites fixées par l’autorité supérieure ; et doit suffisamment lui rendre compte. Sans parler de la vertu surnaturelle ou chrétienne d’obéissance qui fait aimer, à l’exemple encore de Jésus-Christ, la pratique de la soumission ou de la dépendance donc de l’humilité… 

[8] étant sauve la nécessaire protection des membres et des fidèles de la F.S.S.P.X, par ses propres maisons et chapelles, voulue par son fondateur ; lequel n’a néanmoins jamais voulu une séparation parfaitement hermétique ou schismatique du reste de l’Eglise; pas plus qu’on ne peut être totalement séparé de la société civile sous peine d’être privé de ses secours élémentaires et nécessaires et d’être hors la loi ! 

[9] au moins pratique sinon spéculatif